Naviguer les complexités de l'identité : une approche gestaltiste

21/5/24

Naviguer les complexités de l'identité : une approche gestaltiste

(🎶 Pour commencer sur une note musicale - pourquoi pas ? - sachez que cet article se marie très bien avec l’album “A Seat at the Table” de Solange Knowles...)

La Gestalt thérapie, à laquelle j’ai été formée par l’Ecole Humaniste de Gestalt, est une thérapie intégrative : elle englobe et favorise l'exploration complète de toutes les dimensions de l'identité d'une personne. En Gestalt, j’explore les expériences du présent de m·a·on client·e, tout en observant dans quelle mesure celles-ci peuvent être colorées par des expériences de son passé. Je cherche à l’accompagner vers l’éclaircissement de ses modes de fonctionnement, de son cheminement de pensée et de ses émotions. Ainsi, nous allons regarder ensemble, dans un cadre bienveillant et de non-jugement, tout ce qui rend cette personne unique. Quelle est alors la place de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre, de l’origine ethnique, du statut socio-économique ainsi que de tous les autres aspects pertinents pour l·a·e client·e ?

Dans cet article, je vais explorer l’importance de l’intersectionnalité en Gestalt, et en thérapie de façon plus générale. Je reviendrai en détail sur l’exploration de l’identité plurielle et sur l’importance de l’acceptation sans jugement dans le travail thérapeutique.

L’intersectionnalité comme fil conducteur de mon accompagnement.

Tout d’abord, une définition importante : qu’est-ce que l’intersectionnalité ? Le concept d’“intersectionnalité” a été initialement formulé en 1989 par la Défenseure américaine des droits civils et éminente spécialiste de la théorie critique de la race, Kimberlé Crenshaw. Cette dernière a créé ce terme, afin de décrire comment différentes identités superposées (genre, langue parlée, statuts d'immigration et socio-économique, sexualité, âge et race, entre autres…) peuvent participer à l’exposition à des expériences positives ou négatives. Ce qu’a démontré Kimberlé Crenshaw était très simple : les identités sociales superposées ou intersectantes (c’est-à-dire qui s’additionnent ou se complètent) - en particulier les identités minoritaires - sont liées aux systèmes et aux structures d'oppression, de domination ou de discrimination. Dit encore plus simplement, le terme « intersectionnalité » signifie que deux personnes différentes au regard de leurs identités (mêmes jumelles monozygotes), ne rencontreront presque jamais les mêmes difficultés ou facilités dans leurs vies. Cela semble évident, et pourtant nous oublions fréquemment l’impact de l’intersectionnalité sur notre vécu au quotidien. 

Mon approche de la Gestalt redonne à l’intersectionnalité sa juste place au sein du travail thérapeutique.

Avant de continuer, quelques questions : si vous êtes en couple, vous est-il naturel de tenir la main de votre partenaire dans la rue sans peur du regard des autres ? Quand vous cherchez un emploi, mettez-vous une photo sur votre CV ? En recherche de votre futur logement, mettez-vous votre nom sur le formulaire de contact ? Vous exprimez-vous facilement en public ? Partez-vous en vacances régulièrement ? Êtes-vous de la nationalité du pays dans lequel vous faites votre vie ? Occupez-vous un poste à responsabilité ? Si oui, êtes-vous aussi bien rémunéré que votre collègue d’un autre genre ? Correspondez-vous aux critères de beauté de notre époque ? Êtes-vous en bonne santé ?

Si toutes vos réponses sont « oui », félicitations, vous faites partie du “lucky few” ; ce qui ne signifie pas que vous ne rencontrez pas de difficultés, mais tout simplement que ces difficultés ne résultent (peut-être) pas de vos identités. S’il y a des « non », vous expérimentez certainement des difficultés qui vous sont propres et, selon moi, ce serait un non-sens de ne pas les mettre en lien avec vos différentes identités.

Pour moi, il est important de reconnaître la complexité de l’identité de mes client·e·s, afin de les accompagner au mieux vers une meilleure compréhension d’e·ux·lles-mêmes, mais aussi vers une version d’e·ux·lles-mêmes qu'iels souhaitent (re?)découvrir. J’aime comparer ce processus à la mission d’un GPS (promis, l’image va s'éclaircir…) qui, pour vous amener à destination, a besoin de connaître : 

  • Votre position de départ ;
  • Le lieu que vous souhaitez atteindre ;
  • L’évolution de votre position au moment où vous avancez vers votre destination.

Si l’on remplace le GPS en soi par l’accompagnement thérapeutique, la position de départ par votre niveau de conscience (c’est-à-dire votre capacité à être en méta-vision par rapport à vous-même et vos modes de fonctionnement) à votre arrivée dans mon cabinet, et le lieu à atteindre par le mieux-être souhaité, nous obtenons une métaphore du travail thérapeutique en Gestalt, à savoir un véritable travail en profondeur sur ce qui vous rend unique : vos identités ; lesquelles ne sont pas figées, car elles évoluent et se nourrissent de vos expériences dans le présent à mesure que vous vous rapprochez de votre destination, l’équilibre.

Dans ce contexte, l'acceptation sans jugement joue un rôle crucial. En effet, en créant un espace thérapeutique où l·a·e client·e se sent libre d'explorer toutes les dimensions de son identité, sans crainte de jugement, la Gestalt favorise un processus de développement personnel profond et authentique.

L’acceptation sans jugement : l’un des piliers de la Gestalt.

Avant toutes choses, parlons d'amour. Tout particulièrement d’amour inconditionnel. Présent dans la conscience du monde, ce précepte prend vie dans la pop culture où il est généralement présenté comme un prérequis à toutes relations, bien souvent amoureuses. Nous le voyons très peu représenté dans les relations amicales et/ou platoniques et nous le pensons bien souvent (à tort) comme étant une condition sine qua non à toute relation d’ordre familial. Qu’en est-il de la relation thérapeutique ? Vous serez certainement surpris (ou pas ?) d’apprendre qu’en plus de sa présence dans la plupart de nos relations d’attachement, l’amour inconditionnel est l’un des principes fondateurs de la Gestalt.

En effet, en Gestalt, l’amour va de pair avec le soutien et les deux sont au cœur de la relation thérapeutique. L’un doit être inconditionnel, l’autre conditionnel. Je m’explique : l’amour est en lien avec votre  être et ne peut donc qu’être inconditionnel, tandis que le soutien l’est avec votre comportement et doit être conditionnel.

Je m’explique encore : 

Amour inconditionnel et relation thérapeutique.

L’amour que je ressens pour mes client·e·s est inconditionnel ; j’accepte leur être tout entier, car tout d’abord nous nous sommes mutuellement choisi·e·s (gardez en tête qu’en Gestalt, nous n’avons pas l’obligation de soin), puis aussi parce que mes  client·e·s me touchent dans leur être (raison pour laquelle je les ai choisi·e·s). De plus, en tant que praticienne, mon rôle est de créer un espace thérapeutique sûr et bienveillant où mes client·e·s se sentent libres d'explorer et d'exprimer pleinement leur être. Cet espace de confiance et d'acceptation inconditionnelle est essentiel pour permettre à mes client·e·s de se sentir en sécurité et soutenus dans leur processus de croissance personnelle. En aimant mes client·e·s inconditionnellement, je leur offre le respect, la dignité et la considération qu'iels méritent en tant que personnes uniques et précieuses, et je les accompagne avec empathie et bienveillance sur le chemin de leur épanouissement.

Soutien conditionnel et relation thérapeutique.

Le soutien que j’apporte à mes client·e·s est conditionnel. En effet, il est une réponse dynamique et adaptative à leurs actions et comportements dans le cadre de la thérapie, visant à favoriser leur engagement, leur croissance et leur développement personnel. La relation thérapeutique peut parfois être confrontante et elle l’est toujours dans l’intérêt élevé d·u·e la client·e. J’y fais face dans ma propre relation à ma thérapeute. Je me mets dans le champ pour vous donner un exemple concret : il ne serait pas ajusté, pour moi comme pour ma thérapeute, qu’elle ne me "rappelle pas à l’ordre", lorsque je fais passer ma thérapie personnelle après d’autres impératifs ; et cela n’annule en rien l’amour qu’elle me porte, bien au contraire… Voici un autre exemple, plus concret encore pour certain·e·s lect·eur·rices : il peut arriver aux parents de réagir face au comportement de leurs enfants et pourtant l’amour, le lien, demeurent.

C’est parce que ce lien est présent, même/surtout en thérapie, que je peux me permettre de proposer des pistes d’amélioration à des comportements peu ajustés pour le développement personnel de m·a·on client·e. Ces ajustements que je vais proposer avec beaucoup de bienveillance ne touchent en rien son être : c’est parce que je l’aime inconditionnellement que je veux l’accompagner vers le mieux, dans son intérêt. Évidemment, ce processus nécessite un lien thérapeutique fort et une bonne compréhension de la complexité et de la singularité de m·a·on client·e. Ma vérité est donc la suivante : sans prendre en compte ses identités plurielles, je ne peux pas aimer pleinement m·a·on client·e ; la boucle est bouclée.

Conclusion

En conclusion, l'acceptation sans jugement et l'intersectionnalité jouent un rôle fondamental dans mon accompagnement thérapeutique. L'acceptation sans jugement crée un espace thérapeutique sûr et bienveillant où m·a·on client·e se sent libre d'explorer toutes les dimensions de son être, sans crainte de critique ou de rejet. Cette qualité essentielle de la relation thérapeutique permet à m·a·on client·e de se sentir compris·e, soutenu·e et respecté·e dans son cheminement personnel.

De même, l'intersectionnalité reconnaît la complexité des identités de m·a·on client·e et les multiples façons dont celles-ci interagissent pour influencer son expérience de vie. En explorant les intersections entre les différentes dimensions de l'identité de m·a·on client·e, je peux mieux comprendre les sources de ses défis et de ses souffrances, et lui offrir un accompagnement plus efficace et pertinent.

En intégrant l'acceptation sans jugement et l'intersectionnalité dans ma pratique, je crée un environnement thérapeutique inclusif et respectueux, où chaque client·e est honoré·e dans sa singularité et soutenu·e dans son cheminement vers le bien-être et l'épanouissement.

Si vous souhaitez en découvrir plus sur ces sujets, n'hésitez pas à me contacter.